|
Vous etes ici>> Sedir >> Jeanne d'Arc
La très Sainte JEANNE D'ARC
Ce qui constitue une patrie, ce n'est pas sa population, sa richesse, sa
culture, c'est l'ensemble des énergies spirituelles dont sa personnalité visible
n'est que le corps géographique, social et intellectuel. Comme l'individu, la nation possède son moi psychique, dont le peuple terrestre n'est que le corps. C'est le moi qui unifie les innombrables éléments hétérogènes venus de toute la planète ; c'est le moi qui inspire et ce peuple et ses chefs, selon son intelligence propre, selon les tentations que lui présente l'ange de Satan, selon les lumières que lui offre l'ange du Christ. Toutefois, dans les heures désespérées, le Maître de l'Univers envoie un secours exprès à la créature en détresse, que ce soit un homme, un pays ou un astre.
J'énumérerais volontiers les diverses circonstances où notre patrie fut sauvée
par un bras glorieux ou obscur, visible ou invisible ; mais les opinions
politiques sont pointilleuses ; les noms que je citerais choqueraient
certainement l'un ou l'autre ; tenons-nous-en à nommer Jeanne d'Arc, que tous
les partis célèbrent maintenant et réclament à l'envie. En outre, à travers cela existe, depuis la descente du Verbe, l'ordre surnaturel, qui offre à chaque créature la possibilité d'une communication directe avec le Créateur, au moyen de Son Fils. Cet ordre seul nous intéresse. Le Christ, la Vierge, leurs anges inspirent l'être qui les appelle, ou suscitent du milieu d'un peuple le patriote capable de recevoir la force qu'ils lui infusent et de l'utiliser. Il arrive encore, lorsque le péril extrême exige pour être conjuré le concours total de la nation, tout ensemble accourue auprès de son sauveur, qu'une inspiration ne soit pas assez entraînante, qu'un ange même déconcerte la foule au lieu de l'enthousiasmer parce qu'il est d'une essence trop étrangère à elle. Le Christ choisit alors un de Ses Amis, un esprit humain parfait, libre et pur ; Il le charge de la mission salvatrice et lui confère les pouvoirs et les facultés utiles à cet accomplissement. Cet envoyé quitte le Royaume de Dieu, se cherche, dans le peuple qu'il doit délivrer, le pays et la famille qui puissent lui fournir un corps convenable à ses travaux futurs, et il s'incarne. Tel fut le cas de Jeanne d'Arc, et ainsi s'expliquent les particularités déconcertantes de son existence et de sa mort. Voici une famille, paysanne quoique la première de son clocher. Le père, homme de tête, paraît-il, et de bon labeur ; la mère, enceinte pour la troisième fois, rêve qu'elle accouche de la foudre ; singulier présage pour ceux qui savent ce qu'est la foudre. Et, quelque temps ensuite, lorsque l'enfant naît, la nuit de l'Épiphanie 1412, les gens du village s'éveillent et, saisis d'une joie sans motif, se mettent à chanter et à danser. Puis tout rentre dans la monotonie quotidienne. La petite fille grandit, silencieuse, solitaire, pieuse ; elle veille aux soins domestiques, elle garde les malades et visite l'église et les chapelles ; on ne lui apprend ni à lire, ni à écrire ; rien que le Pater, l'Ave Maria, le Credo, un peu d'histoire sacrée, les légendes saintes, des récits populaires : le minimum le plus réduit à cette enfant qui devra plus tard convaincre hommes d'État, grandes dames et théologiens. Pourquoi ? Pourquoi le Ciel prive-t-Il toujours Ses envoyés de la culture humaine ? Parce que Son enseignement s'oppose au nôtre en principe et en méthode ; parce que rien ne doit distraire le serviteur élu de l'objectif qu'il lui faut atteindre, rien ne doit prendre la place des forces surnaturelles qui descendent sur lui incessamment autant qu'il peut en recevoir ; parce que, pour tout dire d'un coup, la Lumière ne vient que dans les Ténèbres et jamais ailleurs.
Jeanne priait sans cesse en gardant ses moutons et en filant ; le son des
cloches l'émouvait par-dessus tout, souvenir sans doute d'harmonies entendues
dans un passé mystérieux. |